Le Rude Maître du Temps – Chapitre 47.5

 

Chapitres 47.5 : Des Ténèbres à la Lumière – Partie 2

 

– Point de Vue de Leraje –

Cela faisait maintenant 2 heures que je me trouvais dans sa cabane en bois. Elle s’était introduite sous le nom d’Artemis ; elle n’avait pas l’air d’avoir de surnom, alors je m’en contentai. Je pouvais voir un sac sanglant reposant à côté du lit, à seulement 2 pas de moi. Mes blessures et le sac dévoilaient probablement mon identité, mais cela n’avait pas l’air de la déranger …

A part ça, la cabane était aussi normale que possible. La femme aux cheveux roux et aux yeux les plus verts qu’il m’ait été donné de voir cuisinait quelque chose à l’autre bout de la cabane. Mes armes se trouvaient elle aussi au bout de la cabane, avec mon haut mit à sécher …

Je regardai en direction de la femme, elle sifflotait en mélangeant le ragoût qu’elle préparait …

– Pourquoi m’as-tu sauvé ? Tu aurais pu me livrer au garde et recevoir la récompense sur ma tête.

Ma voix contenait un certain mépris ; je n’avais jamais aimé la pitié, et lorsque quelqu’un me prenait en pitié, cela avait tendance à m’enrager.

Elle s’arrêta de mélanger un instant, et se tourna vers moi, ses yeux contenant une certaine indifférence, mais aussi de la solitude. Elle se retourna vers son ragoût et continua à le mélanger.

– Pourquoi aurais-je dû ? N’est-ce pas normal d’aider quelqu’un dans le besoin ?

Sa réponse était complètement étrangère à quelqu’un comme moi : j’étais littéralement la personnification du mal. Je faisais ce que je voulais, et tuais lorsque j’en éprouvais le besoin, ou tout simplement en exprimait le désir. Tout avait un prix, peu importe ce que l’on disait.

Je ne répondis pas, et restai silencieux. Elle aussi fit de même, et je me remis à examiner les lieux, mon regard s’arrêtant sur mes dagues placées aux côtés du reste de mes équipements. J’avais plus d’une fois essayé de bouger, pour découvrir que tous les muscles de mon corps étaient bien trop faibles pour réaliser la moindre action. Le poison m’avait probablement énormément affaibli …

Je me tournai à nouveau vers la femme … non, Artemis. Elle préparait le repas, et remplit un bol de son ragoût marron. Si elle ne m’avait pas trouvé et soigné, je serais probablement mort à l’heure qu’il est …

– Hey, tu es toujours là mon grand ?

Je sortis de ma stupeur : elle tenait le bol juste devant moi, une cuillère en bois à la main. Je voulais vraiment frapper le bol, mais malheureusement, j’étais bien trop faible pour bouger mes bras. A la place, je me contentai de détourner la tête.

Cela n’avait pas l’air de la déranger, et elle m’expliqua,

– J’ai mis beaucoup d’herbes médicinales dans ce ragoût, alors il devrait t’aider à récupérer … mais même avec ça, tu devras rester au lit pendant au moins 7 jours.

Je me tournai tout à coup vers elle, ayant du mal à croire ce qu’elle venait de dire …

– 7 JOURS ?!

En m’exclamant cela, je vis un sourire rusé se dessiner sur son visage, et elle annonça,

– Haha ! Je t‘ai eu !

Elle attrapa mes joues avec sa main, sa force était monstrueuse ! Je ne pouvais plus bouger ma tête, et puisque mon corps était entièrement paralysé, je n’avais aucun moyen de lui résister. Elle plaça le bol à côté de moi, et commença à me nourrir de force, mais je recrachai la nourriture dans ma bouche, ce qui nous salît tous les deux.

Je pouvais voir que mon attitude l’énervait légèrement. C’était mieux ainsi, mais tout à coup, quelque chose d’inattendu arriva.

– Tu veux que j’utilise la manière forte huh ?!

Elle m’attrapa avec encore plus de force, et enfonça la cuillère dans ma bouche, avant de bloquer mon nez et de fermer ma bouche. Je n’eus pas d’autre choix que d’avaler le ragoût, qui honnêtement était très bon ! Au final, j’arrêtai de résister et me contentait de manger mon plat en silence.

Une fois terminé, elle avait l’air satisfaite et hocha la tête, continuant ensuite à faire autre chose de son côté. Je regardais toujours en direction de mon équipement, sachant parfaitement que je ne pouvais pas le prendre et quitter cet endroit … pour ça, il me fallait récupérer entièrement, ce qui allait prendre du temps …

 

4 jours plus tard :

Artemis n’avait pas rigolé en disant qu’il allait me falloir 7 jours pour être soigné ! Même maintenant, je ne pouvais effectuer que de légers mouvements, et Artemis devait continuer à me nourrir, une tâche maintenant facilitée puisque je ne résistais plus. Elle m’avait même lavé une fois, ce que j’avais trouvé extrêmement frustrant, car mon embarras avait l’air de l’amuser.

Je n’avais jamais vraiment été à l’aise avec les femmes, et justement, je n’avais jamais vu de personne aussi féminine. Elle et moi, nous ne parlions pas beaucoup. Je n’avais jamais été une personne bavarde, mais l’atmosphère entre nous deux n’était pas non plus mauvaise. Toutefois, elle arrivait à me comprendre sans que je dise un mot, ce qui me rendait d’autant plus mal à l’aise.

Je n’avais pas vraiment eut d’occasion de sortir du lit. Il s’agissait aussi du seul lit dans la cabane. Elle dormait à chaque fois sur le sol, à côté de moi, et sa faible respiration me faisait toujours entrer dans une sorte de transe, sans que je sache pourquoi. Elle était une femme bizarre, laissant un meurtrier habiter chez elle en sachant pertinemment que j’étais un criminel. Et quand à la tête que je transportais, elle s’en était déjà débarrassée. Je lui avais personnellement demandé de la jeter à cause de l’odeur ; elle n’avait rien dit, prit la tête, et était revenue environ une heure plus tard. Notre relation mutuelle était vraiment étrange.

Ces 4 derniers jours, je les avais passés à l’observer, par ennui. Elle avait l’air d’être une fille ordinaire vivant dans les bois ; je ne lui avais jamais demandé pourquoi elle se trouvait ici, car je savais très bien que ce monde était empli de tragédie, s’abattant sur n’importe qui assez bête pour s’aventurer dans une ruelle sombre, qu’il soit roi, ou plébéien. C’était comme cela que marchait le monde, et tout le monde l’acceptait.

Artemis se réveillait le matin, et sortait dehors avec son arc pour chasser le gibier. Elle revenait toujours avec une expression différente : parfois elle attrapait un cerf, ce qui la rendait heureuse, et parfois, elle n’attrapait qu’un lapin, ce qui la contrariait. Mais au final, elle revenait toujours avec quelque chose, et en faisait un plat. Sa maison était très grande pour une cabane, et il y avait à l’intérieur de nombreuses fourrures d’animaux, allant des énormes fourrures d’ours aux petites fourrures de lapins. Ses vétements étaient pour la plupart constitués de cuir renforcé, en plus d’un arc en bois de saule. Lorsqu’elle rentrait, elle changeait ses vétements devant moi … ce qui me faisait à chaque fois détourner le regard, embarrassé. Je pouvais l’entendre rire tandis que je regardais de l’autre côté, le visage rouge vif ; elle n’avait pas la moindre pudeur par rapport à son corps, et l’utilisait donc régulièrement pour me taquiner.

Ce n’était pas comme si elle était laide, au contraire, elle était sûrement la fille la plus belle qu’il m’ait été donné de voir. Avant, je pensais qu’Elysaa était la plus belle femme que je verrais de ma vie, mais Artemis l’avait mise hors-compétition, avec son regard sauvage et ses courbes …

Après qu’elle finissait de se changer, elle préparait le déjeuner pour nous deux, et comme je l’avais dit, nous n’échangions pas plus de 3 ou 4 p
hrases par jour. Elle était l’exact opposé de l’image de la femme que j’avais. Lorsque j’étais un maître de guilde et que je sortais boire avec mes membres, certains se plaignaient souvent de leurs femmes qui n’arrêtaient pas de les ennuyer, ou sur comment il était difficile de sortir avec une fille, parce qu’il fallait être beau, et parler beaucoup jusqu’à ce qu’elle accepte enfin …

En comparaison avec ces filles, Artemis était comme une épée droite, avec une bordure plate au point de la sentir te battre comme un bâton … Bon, je n’avais pas vraiment de meilleur exemple.

Son silence ne signifiait pas qu’elle était insensible ou ennuyeuse, elle avait ses moments où par exemple elle se brûlait avec un pot et commençait à jurer en chuchotant, ou bien quand elle finissait de coudre un nouveau vétements en gloussant. Elle était une fille avec toutes sortes de choses aimées et détestées, avec de nombreux défauts et atouts … une bonne personne devrais-je dire ? Mais elle avait aussi ses moments d’impertinence, où elle collectait les morceaux de carottes dans sa soupe pour les jeter dans la mienne. Au départ, je pensais qu’elle voulait que je mange plus pour être rétabli plus rapidement, mais en fait elle n’aimait juste pas les carottes …. Ce qui me donnait envie de lui demander pourquoi elle mettait justement des carottes dans la soupe !?

Cela ne me dérangeait pas vraiment, mais elle était vraiment une personne étrange.

 

2 jours plus tard :

Artemis et moi nous étions assis l’un à côté de l’autre, mangeant à nouveau du ragoût. Cette fille n’avait mangé que de la nourriture liquide depuis 6 jours, et moi de même. Je savais qu’elle faisait ça pour que je guérisse plus vite, mais je me sentais mal pour elle. Toutefois, cela n’avait pas l’air de la déranger, et elle se contentait de manger joyeusement à mes côtés. Je recommençais à pouvoir bouger mon corps, et mangeais maintenant en tenant la cuillère de mes propres mains. Demain allait être le jour de mon rétablissement complet, comme elle l’avait prévu.

– Hey ! Est-ce que c’est bon ?

Tandis que je mangeais mon ragoût, Artemis me demanda tout à coup cela.

Elle et moi nous n’avions jamais vraiment parlé de choses inutiles ou de choses nous concernant ; cela rendait parfois la conversation avec elle bien plus facile, mais quelque fois il était aussi compliqué de trouver les bons mots.

Je regardai son visage souriant. Depuis le jour où elle m’a recueilli, je suis resté ici, ne faisant rien d’autre que récupérer mes forces. Elle avait sauvé ma vie, en ne demandant rien en retour. Je lui avais proposé plus d’une fois de l’or, des trésors et de nombreux autres objets en gage de ma gratitude, mais elle avait tout refusé en souriant. Elle n’avait jamais l’air de porter un fardeau en me voyant. J’étais bon à voir les intentions des gens dans leurs yeux : les siens contenaient une candeur, me mettant à l’aise.

Pour moi, sourire était comme admettre sa faiblesse, montrer que nous avions un point faible pouvant être percé. J’avais confirmé plus d’une fois l’adage ‘’la confiance est une dague pointée vers le cœur’’ ; j’avais appris de mes erreurs et utilisé la haine des autres pour forger l’homme que je suis aujourd’hui, mais elle …

Je souris et répondis,

– Oui, c’est très bon, j’aime beaucoup !

Elle était pour moi plus qu’une dague, elle était une flèche déjà enfoncée dans la partie la plus profonde de mon cœur.

Elle sourit de plus belle, et hocha la tête. Nous finîmes de manger mais ne continuâmes pas la conversation, nous contentant de rester assis là, à profiter de la chaleur du feu et de la présence de l’autre.

 

Aujourd’hui était le dernier jour, j’avais déjà récupéré environ 85% de ma force, mais j’attendais toujours, Artemis avait insistée là-dessus.

Il faisait actuellement nuit, elle dormait sur le sol à côté de moi. J’avais pourtant essayé de la convaincre de prendre le lit, mais elle avait refusé … Cette femme était vraiment têtue, mais cela faisait partie des choses que j’aimais chez elle.

La nuit était longue, et je n’avais pas vraiment sommeil. C’était parce que j’étais un démon : nous ne dormons jamais parce que nous en avons besoin, nous ne le faisons que pour nous soigner. Nous pouvions passer 2 mois sans dormir jusqu’à ce que le besoin se fasse ressentir.

– Uhh aghh … non ….

Je me tournai vers Artemis, surpris. Je pouvais la voir bouger dans son lit de fortune, des perles de sueur coulant sur son front. Elle devait avoir un cauchemar.

– …

Je me levai lentement de mon lit, pris mon oreiller avec moi et le plaçai à côté d’Artemis. Me couchant à ses côtés, elle gigota jusqu’à enfin s’arrêter, bloquée par mon corps. Elle transpirait toujours à cause de son cauchemar, alors je l’enlaçai. Elle grogna légèrement, et se calma petit à petit dans mes bras. Je caressai sa tête, couverte de longs cheveux rouges braise, et ses gémissements prirent fin …

Elle respirait doucement comme un petit animal. Cela me fit sourire, à personne en particulier, mais plutôt pour me moquer de moi-même.

– Au final, nous dormons tous les deux sur le sol huh …

Cette nuit-là, je gardai Artemis, mais pour je-ne-sais quelle raison, je me sentis fatigué et m’endormis en la tenant dans mes bras.

Le matin suivant, j’étais censé partir.

Je me sentis seul et triste en y repensant.

 

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Blastaf

2 Comments

  • 😮 il a un coeur enfaite 😮 Merci pour le chapitre 🙂

  • Dans le 7eme paragraphe apres le 4 jour plus tard, il y a « dans un » qui est en trop je pense

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