Live Report – Eisbrecher + Maerzfeld – Machine du Moulin Rouge – 16/05/23
Ça y est, après de longs mois d’attente l’été pointe enfin le bout de son nez. Le soleil rayonne haut dans le ciel, les visiteurs affluent dans la ville lumière, les arbres sont en fleurs, et il fait bon vivre dans les rues parisiennes. En ce retour des beaux jours certains partent lire dans les parcs, d’autres profitent de cette agréable météo pour se promener paisiblement à la sortie du boulot… Pour notre part nous avons opté pour la meilleure activité envisageable dans ce contexte : s’enfermer dans un sous-sol pour écouter du metal industriel allemand à balle pendant toute une soirée.
Le 16 mai dernier la Machine du Moulin Rouge accueillait les enfants prodiges de la Deutsche Neue Härte après un énième report post-covid. Ayant entretemps fêté ses 20 ans de carrière, Eisbrecher savoure enfin l’occasion de mener sa tournée Eis Over Europe à l’origine prévue pour le printemps 2020. Après un passage remarqué au Hellfest 2019, le public parisien les attendait de pied ferme, et ils débarquent donc avec 3 ans de retard et une discographie complétée de deux nouveaux albums studio (dont un de reprises) pour délivrer leur musique martiale dans nos esgourdes exaltées.
Alors enfilez votre plus beau cuir et suivez-nous dans une moiteur digne des plus grands clubs berlinois (ou plutôt bavarois en l’occurrence) pour vous trémousser sur des hymnes à la subtilité d’un 38 tonnes, car Eisbrecher est enfin de retour chez nous, et l’attente en valait vraiment la peine.
Maerzfeld
Le set de la première partie s’ouvre sur… Alexx Wesselsky, frontman d’Eisbrecher. Affublé d’un magnifique képi trouvé au « marché de puces », il vient nous présenter sa première partie dans un moment digne de la grande époque du Music-Hall qu’on n’attendait certainement pas dans ce contexte, et dans un français plus que correct. Le chanteur s’excuse pour le retard (3 ans, ça commence à faire quand même) et fait monter la sauce pour Maerzfeld tout en bombardant le public de confiseries et autres bananes qu’il sort successivement de ses innombrables poches. Et puis, une fois le dernier mars nonchalamment expédié dans les yeux d’un pauvre spectateur du premier rang, place à la musique.
Quand on voit Maerzfeld arriver sur scène, on pense instantanément à Rammstein. Alors certes, il est facile de renvoyer tous les groupes de metal indus allemands à Rammstein sans trop réfléchir, mais la ressemblance frappante du frontman avec notre cher Till n’aide pas dans ce cas précis : même coiffure, même maquillage, même forme de visage, même peau grêlée par l’âge. Vocalement parlant on sent également une inspiration évidente, même si loin d’être à la hauteur du maître. En termes de riffing aussi les deux premiers morceaux montrent une nette inspiration pour les pionniers du genre. « Rammstein de wish » entend-on prononcé dans le public, mais est-ce réellement le cas ?
Pas réellement, car passée cette première impression la comparaison avec les pionniers berlinois parait vite datée. Maerzfeld opte pour un ton plus pop à base de refrains catchy d’une efficacité redoutable menés par le synthé, élément central de l’instrumentation du groupe. Ces moments plus mélodieux sont entrecoupés de couplets portés par un riffing mettant l’accent sur le groove et rappelant le côté indus dont le groupe s’éloigne sans jamais se départir totalement.
Eisbrecher
Juste le temps d’un court entracte pour se remettre de ses émotions que les stars de la soirée sont déjà là. Le quintet bavarois entre sur scène amputé de Noël Pix, son lead guitariste (pour raison de santé) mais la résolution intacte face au public de la Machine déjà enflammé. Alexx Wesselsky, dans son traditionnel costume de pilote d’avion BDSM, donne le coup d’envoi pour le titre Volle Kraft voraus.
Et c’est parti pour près de 2h passées entre le marteau et l’enclume au rythme des hymnes martiaux d’Eisbrecher, comme si Berlin Ouest était venu spécialement à Paris pour nous mettre en personne son pied dans la bouche. La musique d’Eisbrecher est lourde, régulière, l’indus dans sa plus pure expression, complété par le timbre de voix profond du chanteur. De très rares moments de mélodie viennent ponctuer toute cette violence, mais ils ne font que souligner l’épaisseur de tout le reste.
En live Eisbrecher semble délaisser les hymnes planants du style d’Augen Unter Null (malgré la présence bienvenue de la cover d’Out of the Dark de Falco) pour se concentrer sur ses titres plus traditionnellement plus indus et sombres comme Sturmfahrt ou encore Was ist hier los ?, rendant à la Machine son ambiance de club qu’elle connait si bien en temps normal.
Le set est entrecoupé de moments plus comiques, comme la « superpause » où le groupe prend la pose afin d’expédier le moment des photos en début de concert. « Comme ça c’est fait » se justifie Wesselsky, dont toutes les interventions se feront en français malgré des difficultés évidentes dans la langue de Molière, une preuve de plus de l’attachement d’Eisbrecher à son public.
Ces petites fantaisies se poursuivront tout le long du set, entre costume bavarois traditionnel et chant yodel, réussissant à créer une ambiance bon enfant dans cet antre de la violence. Et le public suit, avec un dancefloor en feu dés l’intro. Evidemment on n’échappe pas à quelques pogos, mais les spectateurs souhaitant simplement danser sur ce cousin éloigné de la techno allemande trouvent sans peine la place qu’il leur faut dans la fosse. On notera cependant la présence de quelques abrutis trouvant pertinents d’attraper leurs petits camarades à la gorge pour les emmener dans la partie du public qui n’avait rien demandé, dans un désire de prouver qui était le mâle alpha probablement, mais qui fort heureusement ne parviennent pas à gâter le plaisir du reste de la salle.