La Fille Qui a Mangé la Mort – Chapitre 9

 

Chapitre 9 : L’Herbe est Délicieuse Parfois

A l’intérieur du Château Belta ; Devant le Bureau de Sidamo.

Deux nouveaux-arrivants récemment nommés se tenaient droit devant la porte, ne sachant pas quoi faire. Plus précisément, il se demandaient quoi faire de l’objet présent devant leurs yeux.

« ……Qu’est-ce que c’est ? »

« Peu importe dans quel sens je le regarde, n’est-ce pas un simple morceau de pain ? »

« Non, ce que je veux dire, c’est pourquoi y-a-t-il un morceau de pain placé ici…….. Je me demande s’il s’agit d’une sorte de test. Nous ferions mieux d’y réfléchir. »

Murmura une femme portant un tout nouvel uniforme d’officier, poussant du doigt les lunettes présentes sur son nez.

Il s’agissait probablement de sa façon de gérer les situations de stress.

L’autre homme se pencha, puis examina le pain. Ce n’était rien de spécial, juste un morceau de pain.

Rien de plus, rien de moins.

—En d’autres termes…

« Quelqu’un l’a probablement fait tomber. Tu réfléchis trop. »

« Dans un tel endroit ? De qui pourrait-il bien s’agir ? »

« Dans tous les cas, ramassons-le. Il appartient peut-être à Sir Officier du Personnel. Je vais le tenir d’une façon peu naturelle. Ainsi, il le remarquera peut-être. »

« ……Fais come tu veux. Tâche juste de ne pas m’impliquer. »

Après avoir dévoilé une expression d’incrédulité, la jeune femme toqua à la porte. La voix acéré d’un homme répondit de l’autre côté.

« —Qui est-ce ? »

Elle prit une large inspiration, puis se présenta,

« Sir ! Je suis le Second Lieutenant Katarina Nubes, assignée depuis aujourd’hui à la Troisième Armée ! Je suis venue me présenter ! »

« Moi de même, je suis le Second Lieutenant Vander Hafiz ! »

« Entrez. »

« Veuillez nous excuser ! »

Venant de recevoir la permission d’entrer, ils raidirent leurs dos afin de ne pas paraitre discourtois, puis entrèrent dans la pièce. A l’intérieur, un homme menait à bien ses devoirs officiels, de nombreuses rides entre ses sourcils.

Les deux nouveaux arrivants devinèrent qu’il s’agissait probablement de Chef Officier du Personnel de la Troisième Armée, Sidamo Arte. Dans n’importe quelle situation, les premières impressions étaient cruciales. Ils raidirent donc leur dos davantage, frappèrent du talon, puis saluèrent en respectant leur entrainement.

—En baissant par mégarde les yeux, ils virent éparpillés au sol les morceaux d’un pot de fleur brisé.

« Vous avez bien fait de venir au Château Belta, le front du Royaume Yuze. A partir de maintenant, j’en attends beaucoup de vous. C’est ce que j’aimerai vous dire, mais… »

Sidamo coupa sa phrase en plein milieu.

« ….. ? »

« Bientôt, sur ordres de nos supérieurs, nous serons assimilés à la Quatrième Armée. Malheureusement, vous ne resterez donc que très peu longtemps dans la Troisième Armée….. Ceci dit, qu’avez-vous dans votre main ? »

Sidamo pointa du doigt le pain dans la main de Vander. Ses sourcils étaient froncés, pris de petits spasmes.

« Sir ! J’ai trouvé cela devant la porte, alors j’ai pensé le ramasser. Est-ce peut-être votr— »

« Faux….. Débarrassez-vous en comme vous le souhaitez. Il s’agit d’un objet que Sir Héros a probablement fait tomber. Si vous avez faim, vous pouvez le manger. Mais bien sûr, seulement après la fin de cette conversation. »

« S-Sir ! »

Katarina et Vander échangèrent un regard hésitant. Mais Sidamo les ignora et continua,

« ……..De retour à notre conversation ; comme je vous l’ai dit, à l’arrivée de la Quatrième Armée, nous fusionnerons immédiatement avec celle-ci. Après ça, nous serons probablement en charge du soutien. »

Ils allaient travailler loin de la scène, incapable de réaliser le moindre exploit militaire. Ils allaient sans aucun doute devoir s’occuper des tâches les plus pénibles. Après tout, il valait mieux utiliser les ressources des autres plutôt que les siennes.

« Et donc, qu’en est-il de notre stationnement avec l’unité du Major Schera….. ? »

Demanda timidement Katarina. Il s’agissait de la meilleure occasion de travailler aux côtés d’un futur héros. Elle ne voulait pas laisser passer cette opportunité. Vander quant à lui était résigné à son propre sort.

« Cela ne change pas. Comme prévu, vous serez tous deux mobilisés comme adjudants. Vous devriez probablement apporter de la nourriture et saluer le Major Schera après cette discussion. Ainsi, je suis sûr qu’elle vous écoutera sérieusement. »

« Compris. »

Entendant Sidamo parler de nourriture, un large point d’exclamation flottait au dessus de la tête de Katarina, mais elle préféra ne pas poser de questions. Il semblait apparemment y avoir une connexion avec le morceau de pain trouvé plus tôt, mais l’atmosphère ne paraissait pas se prêter à de telles questions.

« …….A propos du Major Schera qui deviendra votre officier supérieur, elle est ce qu’on pourrait appeler un ‘élément problématique’. Elle aime agir arbitrairement au compte de sa seule autorité, possède une expérience superficielle du commandement d’une unité, et n’est pas très informée de l’art de la guerre. Toutefois, elle est vaillante, et possède de nombreux exploits à son actif. »

Les termes de Sidamo étaient tout sauf fleuris. Il était inutile de mentir, alors il avait préféré ne transmettre que la stricte vérité.

« M-Mais, elle a été promue Major à l’âge de 18 ans. C’est une vitesse de promotion incomparable, même au sein de notre armée… »

Lorsque Vander tenta d’obtenir de plus amples informations, Sidamo acquiesça solennellement.

« En effet. Elle s’est portée volontaire à 16 ans, et à cette occasion, a été acceptée après avoir apporté plusieurs têtes de l’Armée Rebelle. Après l’échec d’une attaque surprise lors de son premier combat, elle est parvenue, en pleine déroute, à annihiler une escouade toute entière, ce qui lui a valu d’être promue Second Lieutenant. Elle est ensuite parvenue à se faufiler dans un groupe de déserteurs d’Antigua, à infiltrer la base d’espions ennemis, et à tuer un Colonel de l’Armée de l’Empire. »

« In-Incroyable. »

S’exclama involontairement Katarina. Il s’agissait véritablement d’une carrière de Héros. Si Schera continuait sur cette lancée, une promotion au rang de Général n’était probablement pas un rêve. Et elle, en tant qu’adjudante, allait observer au plus près ce progrès. C’était pour cela qu’elle souhaitait devenir adjudante.

« De plus, au cours de l’Engagement d’Alucia, elle a mené une unité de cavalerie dont le commandant était tombé au combat, détruit un entrepôt de nourriture ennemi, puis traversé l’encerclement ennemi avant de se rapatrier. Elle est en possession de tels exploits. Si nous avions 100 personnes comme elle, nous gagnerions sans le moindre doute. »

« Alors pourquoi la considérez-vous comme un problème ? »

« Schera excelle en terme de puissance de combat. Toutefois, en tant qu’officier militaire elle n’a reçu aucun entrainement. Ses connaissances sont minces ; elle mène ses troupes par l’instinct, avec pour seul atout sa force supérieure. C’est une bonne chose pour un soldat, mais je m’inquiète de la savoir responsable des vies de 3 000 cavaliers. Lorsque vous l’assisterez, j’aimerai donc que vous reteniez son imprudence. »

« Vous voulez donc dire que… »

« Imaginons une situation. Si elle tombe dans un piège ennemi, votre travail est de la garder en vie, peu importe la méthode. Ce que j’essaye de vous dire, c’est que vous ne devez surtout pas la laissez tomber dans les même travers que la Troisième Armée —Qu’en pensez-vous ? Avez-vous bien compris ? Si c’est le cas manifestez-vous. »

Une fois son discours terminé, Sidamo questionna la compréhension des deux adjudants qui venaient d’être bombardés de mots.

« C-Compris. Je l’aiderai de tout mon possible. »

« Moi de même. Moi, Valder, je ferais tout mon possible ! »

Katarina et Vander, malgré le barrage de mots, saluèrent en confirmant leur juste compréhension. Pour une raison inconnue, ils avaient l’impression qu’un travail extrêmement compliqué venait de leur être confié.

Pendant un instant, Sidamo parut soulagé.

« …….Très bien. Dans ce cas, vous pouvez partir. J’attends de vous des actes. »

« Sir ! »

Les deux adjudants partirent respectueusement en échangeant un regard mutuel.

Comme s’ils se demandaient tous les deux ce qui venait de leur arriver.

« Pour le moment, allons saluer le Major Schera. Nous ne comprendrons rien à moins de la rencontrer en personne. Toute autre considération peut être gardée pour plus tard, n’es-tu pas d’accord ? »

« O-Oui, tu as raison. Nous devrions agir au lieu de simplement nous inquiéter…. Mais nous ne pouvons pas agir sans réfléchir. Absolument pas. Ce qui a été fait ne peut pas être défait— »

Murmurait Katarina en poussant ses lunettes. ‘Encore ce geste ?’ pensa Vander en s’avançant.

« Qu’est-ce que tu murmures ? Si tu continues, je te laisse ici. »

« A-Attends-moi ! »

« Ne crie pas si fort. Quelqu’un d’autre risque de t’entendre. »

« C’est parce que tu pars sans moi ! »

Aussi longtemps qu’elle parvenait à s’en souvenir, Katarina n’avait jamais eu de parents. Elle était un prodige arrivé aussi loin grâce à ses efforts acharnés ainsi que ses études. Elle préférait apprendre plutôt que combattre, et personnellement, elle détestait les personnes qui agissaient sans réfléchir.

Ses parents adoptifs étaient de telles personnes.

Après avoir ajusté les lunettes glissant sur son nez, Katarina poursuivit son collègue.

 

Château Belta, à l’intérieur des Étables.

Les deux adjudants discutaient avec le soldat s’occupant des chevaux de guerre.

Katarina était épuisée à force de marcher, son corps titubant.

« …….Où est le Major Schera ? »

« Elle a mobilisé la cavalerie afin de s’occuper d’une tâche. Je pense qu’elle en profite pour patrouiller dans le périmètre et attaquer des convois de nourriture, comme d’habitude. »

« M-Mais, l’Officier du Personnel Sidamo nous a justement demandé de mettre fin à de telles prises de risque. »

« Hahahaha, ce n’est pas à moi qu’il faut dire ça, mais plutôt au Major Schera. Mais si elle pouvait simplement arrêter après qu’on lui ait demandé, l’Officier du Personnel n’aurait pas autant de mal avec elle. »

Le soldat éclata de rire, puis retourna à ses chevaux. Il était l’un des cavaliers de l’unité de Schera. Son moral était relativement haut, probablement parce qu’il avait pu constater la force de sa supérieure. Voyant le soldat retourner au travail, Vander soupira.

« Je ne peux m’empêcher de penser que de nombreux problèmes nous attendent. Peut-être était-ce une erreur de nous proposer volontaires… »

« ……..Oh, ferme-la. Même si tu penses ça, évite de le dire à voix haute. »

« C’est juste ma personnalité. J’aime dire tout haut ce que je pense. »

« Alors dépêche-toi de corriger cette personnalité. »

« Je ferais de mon mieux, Oh Seigneur Second Lieutenant Katarina. »

En arrivant au bureau de Schera, ils avaient trouvé l’endroit vide, et avaient donc cherché partout dans le Château Belta. Ayant enfin obtenu une trace d’elle dans les baraquements, ils s’étaient empressés de se rendre à l’étable, comme on le leur avait conseillé.

Toutefois, ils étaient arrivés trop tard, et apprirent que Schera était partie patrouiller dans la zone, menant 100 cavaliers à l’extérieur de Belta.

—Schera semblait avoir complètement oublié les deux nouveaux adjudants dont lui avait parlé Sidamo.

 

Au même moment, autre part.

Schera s’était comme prévu rendue à l’ouest de Belta à toute vitesse, et après avoir traversé la Rivière Alucia, se tenait dissimulée aux côtés de son unité sur une colline légèrement élevée surplombant le Château Antigua. Naturellement, tout le monde était descendu de sa monture, et les chevaux avaient été cachés sous l’ombre des arbres.

« Laissez-moi voir…… Je me demande ce qu’est devenue notre ancienne maison, Antigua…… Quel drapeau écœurant, comme toujours. Ce satané drapeau vert merdique. Plus je le regarde, plus il m’énerve. Je risque d’avoir des rides au front, comme l’Officier du Personnel Sidamo. »

Schera observait le château à travers la longue-vue d’espion volée à l’Empire.

Le blason de la Famille Royale Yuze sur un fond vert — il s’agissait du drapeau de l’Armée de Libération. Le blason de la Famille Royale sur un fond rouge était quant à lui le drapeau de l’Armée du Royaume.

Schera arracha violemment une poignée de mauvaises herbes poussant près d’elle et la jeta dans sa bouche en mastiquant comme un cheval.

Amer. Déplaisant. Âcre.

Je n’aurais jamais dû manger ça, elle regretta immédiatement son geste.

Une expression atroce sur le visage, Schera regarda à travers la longue vue d’espion et vérifia la situation actuelle. L’intérieur du château semblait calme, mais la sécurité était maintenue. La ville à l’intérieur des remparts était remplie de soldats et marchands, des sourires visibles sur le visage des habitants. Six mois s’étaient écoulés, et la tranquillité avait été complètement restaurée. En fait, la ville était probablement plus prospère que sous le joug du Royaume. Les habitants étaient soulagés d’avoir été enfin libérés d’une autorité tyrannique. Schera, déplu, cracha l’herbe.

« ……Major. Personne ne mange de mauvaises herbes lorsqu’il est en colère. »

Un soldat s’adressa à Schera, l’air surpris.

« J’ai laissé mes vivres avec les chevaux, je n’ai donc rien à manger sur moi. Mon estomac est en crise. »

« Ne vous inquiétez pas et prenez ça. J’ai réussi à me le procurer il y a quelques temps. »

Il rampa jusqu’à Schera, un large sourire sur le visage. En traversant les Plaines Alucia, il avait récolté quelques plantes depuis un champ. Puisqu’il s’agissait maintenant d’un territoire ennemi, il ne s’était pas vraiment gêné.

« ……Je me demande ce que c’est. Ça semble plus dur que l’herbe que je viens de manger. »

« C’est une plante servant à la création de sucre. Coupez la tige et gardez-la dans votre bouche. C’est à la fois sucré et délicieux. »

Schera suivit les consignes du soldat. Elle coupa la tige de la plante, avant de la placer dans sa bouche. Tout à coup, un jus sucré s’invita sur sa langue. Un large sourire apparut sur le visage de Schera, qui continua à mâcher la plante.

« En effet, c’est sucré et délicieux. Tu viens de réaliser là un grand exploit. Je t’offrirai quelque chose de bien après que nous soyons rentrés. »

« Merci. »

« Voyons ce qu’en dit mon estomac. La défense du château ennemi est solide— Bien, devrions-nous aller chercher de la nourriture, comme d’habitude ? Ils sont venus aussi loin, portant toutes ces vivres pour nous. Nous devrions leur être reconnaissant. »

Schera déplaça la longue vue d’espion, passant du château aux Plaines Alucia à la recherche d’un convoi.

« Nous avons répété ce genre d’attaque de nombreuses fois, pourquoi n’avons-nous pas encore été intercepté ? »

« Peut-être n’ont-ils pas la capacité d’envoyer des troupes dans un endroit aussi inutile que celui-ci. Ils semblent concentrer leurs troupes autour de Belta. Mais ne devraient-ils pas au moins attacher des gardes aux convois, afin de les protéger le mieux possible ? —Oh, j’ai découvert le repas de ce soir. Je me demande à quoi ressemblent leurs défenses… »

Schera découvrit tout à coup une colonne de véhicules au loin. Les gardes semblaient peu nombreux. Dans ce cas-là, il n’y avait pas le moindre problème. Mais lorsqu’elle décidé d’entrer en action, elle ressentit une puissante soif de sang. Elle s’empressa de tourner la longue vue dans sa direction.

« Major ? Qu’y a-t-il ? »

« …..On dirait que nos compagnons n’ont étonnamment rien d’autre à faire. Je me demande si c’est parce que j’ai un peu trop exagéré. Tiens, jette un coup d’œil toi aussi. »

Répondit-elle, jetant la longue vue d’espion au soldat à côté d’elle. Celui-ci panique, mais parvint à attraper la longue vue sans que celle-ci se casse. Puis, il regarda en direction de l’endroit pointé du doigt par Schera.

……Un violent nuage de fumée était visible. Il s’agissait d’une unité de cavalerie brandissant le Drapeau de l’Armée de Libération, mais aussi le Drapeau du Lion. L’unité comprenait environ 100 cavaliers, et se dirigeait directement vers la colline sur laquelle se tenait l’unité de Schera. De plus, ils avançaient rapidement.

« Ils se dirigent clairement vers nous. Major, pensez-vous que nous avons été découverts ? »

Demanda le soldat en rendant la longue vue à Schera. Il ne paniquait pas, sachant pertinemment que l’unité allait s’en sortir.

« Nous étions probablement observés nous aussi avec cet outil. Plus tôt, j’ai croisé le regard d’une personne paraissant être le commandant. »

Schera se leva lentement, s’étira vigoureusement, puis se dirigea vers l’endroit où étaient cachés les membres de son unité. Allaient-ils frapper, ou fuir lâchement le combat. Schera réfléchissait, une tige de plante dans la bouche.

« Qu’allons-nous faire ? »

«—Voyons… Nous sommes presque aussi nombreux qu’eux, alors je vais allez les saluer. Restez tous à terre et préparez une embuscade. N’oubliez pas de préparer les longues lances. Si nos invités viennent, nous allons chaleureusement les accueillir. »

« Envoyer un cavalier seul est bien trop dangereux, même pour vous ! Si vous allez à leur rencontre, nous venons avec vous ! »

« Si l’unité subit des dégâts, l’Officier du Personnel risque de diminuer de nouveau mon salaire. Il ne s’agira que d’une simple rencontre, vous n’avez pas besoin de vous inquiéter. »

Schera enfila son casque, sauta sur son cheval brun adoré, et prépara sa large faux. Ses cheveux ne pouvaient pas tous être dissimulés et s’échappaient de son casque.

Peut-être est-il temps de les couper ? Pensa Schera en faisant légèrement tournoyer sa faux. Celle-ci, fendant l’air, créa un rugissement audible aux alentours.

Par réflexe, les membres de l’unité s’arrêtèrent de respirer. Ils étaient vraiment soulagés de savoir que cette faux n’allait jamais s’abattre sur eux. Schera frappa du pied l’abdomen de son cheval, qui commença à galoper en direction du Drapeau du Lion en approche.

Brandissant fièrement le Drapeau du Lion, l’unité repéra rapidement Schera. Ils avaient été assignés à la garde des convois de vivres, après que ceux-ci aient été attaqués à de maintes reprises. Comme des loups affamés, les unités de cavalerie ennemie n’avaient pas eu la moindre pitié pour ces convois. Le fait qu’une unité d’élite ait été déployée en tant que garde prouvait à quel point le groupe de Schera était problématique. Les cuisines de l’Armée de Libération n’étaient pas dans une situation très confortable, et ne pouvait pas se permettre d’offrir davantage de surplus à l’armée ennemie.

« Lieutenant Colonel Fynn. A cette distance, ils pourront probablement s’enfuir. »

Le jeune homme du nom de Fynn acquiesça légèrement lorsque son adjudante s’adressa à lui.

Physiquement, il était un homme aux traits délicats, mais son puissant bras avait déjà tué deux Généraux Majors ennemi au cours du précédent engagement. Lors de l’attaque surprise, c’était aussi lui qui avait annihilé la division de Jira. Il avait reçu l’insigne du lion, et était considéré comme le plus puissant guerrier de l’Armée de Libération.

Ce jeune homme s’appelait Fynn Kattef, plus tard surnommé le ‘Général du Lion’.

« Ce n’est pas un problème. Notre devoir est de protéger le convoi jusqu’à son arrivée. »

« Bon sang. Ce Dieu de la Mort est un véritable problème. Il a même fallu que nous soyons mobilisés pour un simple travail d’escorte. »

« Un monstre gigantesque armé d’une large faux, n’est-ce pas ? Si la rumeur est vraie, je ne souhaite pas le rencontrer. Mais de ce que j’en sais, ce n’est rien de plus qu’une rumeur. »

Lorsque Fynn vérifia la situation à l’aide de sa longue vue depuis sa monture, il remarqua que la silhouette précédemment aperçue au loin avait disparue. S’il s’agissait vraiment d’un Dieu de la Mort, il ne resterait pas caché à observer. Finalement, une rumeur n’était rien d’autre qu’une rumeur. La peur vécue par une personne s’étendait, avant d’être amplifiée, voilà la réalité derrière cette rumeur de Dieu de la Mort. Et tandis qu’il se rassurait ainsi—

« Un cavalier d’affiliation inconnue se dirige vers nous !……. Il porte une arure de l’Armée du Royaume ainsi qu’une grande faux ! »

S’écria tout à coup un soldat en reculant de l’avant de l’unité. Lorsque Fynn se concentra sur le paysage devant ses yeux, il remarqua effectivement la présence d’un cavalier arrivant à toute allure.

« ………Hey, elle est seule. Souhaite-elle se rendre ? »

« Elle se tient en position de combat. Cela ne ressemble pas à une reddition. »

Il considéra une telle possibilité, mais puisque la silhouette en approche tenait une large faux, ses intentions semblaient toutes autres. Cela ne ressemblait pas non plus à une désertion.

« Un assaut par un seul cavalier ? Ridicule ! Faites-la tomber de sa monture et exposer la véritable nature de ce soi-disant Dieu de la Mort ! »

Cria l’adjudante. Hurlant avec enthousiasme, trois cavaliers levèrent leurs lances puis chargèrent.

« Sir ! Laissez-nous faire !! »

« Elle deviendra rouille sur ma lance !! »

« Elle mérite une petite récompense pour nous avoir sous-estimé !! »

Les trous hommes étaient des cavaliers fiers de leur force et au moral haut. La petite silhouette à cheval et les cavaliers de l’Armée de Libération entrèrent en contact.

En un instant, la tête d’un cavalier s’envola. Un autre tenta d’asséner de furieuses attaques visant à blesser l’adversaire, mais celles-ci furent facilement parées. Il tomba ensuite de son cheval après avoir été frappé par le manche de la faux, et le cheval adoré de la Mort l’écrasa sous ses sabots.

Le dernier homme, jugeant l’adversaire bien trop puissant, fit tourner son cheval et galopa quelques mètres avant de s’écrouler tout à coup. Une simple petite faux utilisée pour couper de l’herbe était profondément enfoncée dans son cerveau. Schera se servait de cette arme comme d’un boomerang, et avait déjà ainsi récolté plusieurs vies. Ici, elle avait visé le petit écart entre l’armure et le casque, et la petite faux avait eu l’effet escompté.

« C-C’est le Dieu de la Mort. Le Dieu de la Mort des rumeurs. »

« ……Q-Quelle horreur. »

« Et ce n’est qu’une jeune fille. S-Sans doute un déguisement. »

Les braves cavaliers semblaient tout à coup tendus. Ils étaient des hommes de valeur, mais aussi extrêmement superstitieux. Devant eux se tenait le symbole de la Mort, fauchant cruellement les âmes. Face à cette figure, l’incarnation même de la Mort, ils ne pouvaient s’empêcher d’avoir peur.

« Comment pouvez-vous vous considérer comme des cavaliers du Drapeau du Lion !? Qu’y a-t-il à craindre d’un simple cavalier !? Vous devriez avoir honte !! »

« M-Mais… »

Une voix calme interrompit la dispute.

« Très bien, je vais vérifier moi-même. »

« —Eh ? »

Lorsque Fynn murmura cela, il prit d’un geste fluide l’arc présent dans son dos, plaça sa flèche, puis tira sur la corde jusqu’à ce que celle-ci atteigne sa limite. La flèche, décochée à sa puissance maximale, rugit en se dirigeant à toute vitesse vers Schera.

« —Tsk !! »

La flèche étant bien plus rapide que ne l’avait prévu Schera, celle-ci parvint difficilement à la parer avec sa faux. Sans la moindre pause, de nombreuses flèches furent tirées. Elle brandit sa faux, les repoussant toutes, mais l’une d’elles s’enfonça dans son épaulière.

Schera claqua la langue, retira la flèche, puis fit tourner son cheval avant de commencer à grimper la colline.

« On dirait que même les flèches peuvent toucher la Mort. Si c’est le cas, nous pouvons probablement gagner. Elle semble humaine, tout comme nous. »

« Lieutenant Colonel Fynn, pourchassons-la ! Il n’y aura pas de meilleure occasion de nous venger ! Pour les camarades qu’elle a tué, pitié, laissez-nous la poursuivre !! »

« ……Non. J’ai un mauvais pressentiment. Revenons sur nos pas. Nous avons accompli notre mission, qui est de défendre le convoi. Nous devrions éviter de trop en faire. Mais surtout, nous devons récupérer leurs cadavres. »

« Lieutenant Colonel ! »

« Puisqu’elle est venue seule, elle essayait probablement de nous attirer. Il y a sûrement des troupes ennemies en embuscade là-bas. Je refuse de mourir tragiquement au combat dans une embuscade. Dépêchons-nous de rentrer. Allons, ne soit pas dépitée, ton joli visage risque d’être gâché. »

« ……..Très bien. »

Voyant son adjudante mordre sa lèvre inférieure, Fynn laissa échapper un rire sarcastique. Mais tout à coup, il ressentit une puissante soif de sang, et son visage changea complètement.

« — !! Milla, esquive !! »

« Qu- !! »

Avant même que son Adjudante Milla ne puisse répondre, Fynn entra en collision avec son cheval. Suite à cette collision soudaine, l’adjudante tomba de sa monture.

A cet instant, une petite faux traversa l’endroit où se trouvait Milla. L’arme avait été lancée avec une dextérité incroyable, de façon à lui déchirer la gorge. Si Fynn ne l’avait pas poussée, une fontaine de sang aurait sûrement jaillie.

Observant la scène de loin, Schera secoua la tête, résignée. Les coins de sa bouche se soulevèrent, et elle regarda d’un air hautain Fynn et son groupe.

Puis, après les avoir provoqués en faisant glisser son pouce sur son cou, elle retourna tranquillement au sommet de la colline. Les cavaliers avaient oublié toute tentative de poursuite, figés sur place.

« ……………Je suppose que ce surnom de Dieu de la Mort n’est pas qu’une simple prétention. »

Ayant réussi à protéger la vie de son importante adjudante, Fynn regarda agacé la figure disparaissant au loin, le tout en soupirant. Cette jeune fille allait probablement prendre la vie de centaines d’autres alliés. Cette silhouette, une large faux reposant sur l’épaule, n’était rien d’autre que la Mort elle-même.

 

 

Blastaf

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