La Fille Qui a Mangé la Mort – Chapitre 13

 

Chapitres 13 : Les Noix à la Sauce Rouge Ont un Goût Étrange Mais Délicieux

Une semaine après que les détails de l’opération aient été décidés, David quitta Belta, menant 15 000 troupes. Il plaça son camp près du Grand Pont Sulawesi, et leva les drapeaux du commandant des armées.

En réponse, l’Armée de Libération dissémina ses forces sur la rive opposée. Ils leur faisaient clairement comprendre qu’ils n’allaient pas les laissez passer. Bien sûr, ils n’allaient pas laisser si facilement Antigua tomber après tout le mal qu’ils s’étaient donné pour sa capture.

Voyant leur campement au loin, David ricana.

« A première vue, 40 000 ? On dirait que comme prévu, leur force principale a été attirée. »

« Et en accord avec notre plan, nous prétendons actuellement l’arrivée de renforts. Tout ce qu’il reste à faire, c’est d’immobiliser l‘ennemi à l’endroit où il se trouve. »

Répondit le Chef Officier du Personnel, et David acquiesça.

« Nous devrions ordonner aux officiers et aux hommes de rester sur leurs gardes… Nous devons aussi empêcher l’ennemi de traverser de force la rivière. Renforcez donc la surveillance. »

« C’est déjà fait. Des éclaireurs ont été envoyés sur la rive, et nos préparations sont faites. »

« Comme prévu de votre part. Vous êtes toujours aussi rapide. »

« J’accepte avec joie vos compliments. »

Le Chef Officier du Personnel baissa respectueusement la tête.

« A partir de maintenant, un long combat nous attend. Je suivrais attentivement l’exécution du plan depuis le quartier général. »

David rentra, et les officiers du personnel le suivirent. Ainsi, les deux armées continuèrent à se regarder sans attaquer. De temps à autre, des cornes et tambours retentissaient, et des signes d’attaques étaient répétés. Sans la moindre flèche tirée, la journée laissa la place à la nuit.

 

—Rivière Alucia, Site de Traversée de la Rivière.

Les soldats responsables de la construction, ayant attendu la tombée de la nuit, alignèrent des petits bateaux jusqu’à la rive opposée, puis créèrent un pont en planches de bois. Pour le moment, aucun signe de l’ennemi n’était visible. Ils n’avaient pas encore été détectés.

Après plusieurs heures de travail, plusieurs ponts flottants avaient été créés. Une profonde impatience était visible sur le visage des soldats chargés de la construction. S’ils étaient repérés maintenant, l’ennemi pouvait facilement les envoyer par le fond. Une telle situation signifierait leur annihilation. Pourtant, ils complétèrent leur devoir. Lorsque le dernier bateau fut attaché, les soldats retournèrent sur la terre ferme. Ils allaient maintenant renforcer les pontons jusqu’à ce qu’un convoi puisse passer, avant d’envoyer un signal à la cavalerie de la Première Division.

 

Le ciel s’éclaircissait. Le soleil allait bientôt se lever.

« L’installation des pontons flottants est terminée. Le reste repose sur vos épaules. Aussitôt que la Première Division aura traversé la rivière, nous construirons une tête de pont. »

« Bon travail, nous nous occupons du reste. Nous les écraserons en un seul assaut, regardez attentivement ! »

S’exclama le commandant de la cavalerie, le Général Major Alexei, tout en acquiesçant. Le chef des soldats chargés de la construction se raidit puis salua.

« Sir, que la chance soit avec vous ! »

Même si l’air était froid, la tension était palpable.

C’est nous qui engagerons cette bataille.

Le Général Major Alexei dégaina son épée et ordonna aux soldats sous ses ordres,

« Première Division, Cavalerie Avancée, en avant ! Notre cible, le Château Antigua ! »

« Ou ! »

« Avancez ! Restez en ligne !! »

Les 10 000 cavaliers commencèrent à traverser la Rivière Alucia via les pontons flottants. Même si plusieurs cavaliers pas assez entrainés tombèrent dans la rivière, la majorité parvint à traverser. Ils se dirigèrent vers les Plaines Alucia, inconnus de l’ennemi. L’unité de cavalerie de Schera fut la dernière à traverser.

« Pas très stable… J’ai envie de vomir. »

« On n’y peut rien, ça ne durera qu’un instant. Faites attention à ne pas tomber. »

« Un Second Lieutenant tombant à l’eau, cela ferait une histoire amusante Second Lieutenant Katarina. Faites attention. »

« Je ne tomberai pas ! »

« Ne soyez pas si bruyante, vous risquez d’effrayer les chevaux. Recommencez et c’est moi qui vous pousserai. »

Réprimanda Schera d’un ton sec, à l’issue de quoi Katarina parut abattue. Vander, présent à côté d’elle, la consola.

Aucun cavalier de Schera ne tomba à l’eau. D’ailleurs, ils n’avaient pas encore levé leurs nouveaux drapeaux. Les adjudants le leur avait interdit, les considérants de mauvais goût. Mais bien sûr, les cavaliers comptaient immédiatement changer les drapeaux à la première occasion.

Après avoir confirmé la traversée de la Première Division, les soldats responsables de la construction se mirent à monter un campement au site de traversée de la Rivière Alucia.

Ils commencèrent par préparer les pontons pour la traversée de l’unité de ravitaillement. Au même moment, la force principale de la Seconde Division, mélangeant l’infanterie de la Quatrième Armée, se mit à traverser. Ils étaient une large armée de 50 000, et allaient donc prendre un certain temps à passer.

 

Le Général Major Alexei, chargé de l’avant-garde, marchait sur la Plaine Alucia. Étrangement, pas un seul soldat ennemi n’était visible. Peut-être que leur force militaire toute entière s’était dirigée vers le Grand Pont, pensa Alexei. La Seconde Division était toujours loin derrière eux, et actuellement, ils formaient une longue colonne. La seule chose à laquelle l’unité de cavalerie avancée devait faire attention, c’était les mouvements de la force principale ennemie installée au Grand Pont Sulawesi. Si cette dernière changeait de direction, la cavalerie allait devoir leur tendre une embuscade. Puis, l’unité de David, chargée de distraire l’ennemi de l’autre côté du pont, allait devoir les attaquer par derrière.

« Bien. Que quelqu’un aille voir si la force principale ennemie se déplace ou non ! »

« Sir, je m’en occupe ! »

« Qu’un autre cavalier aille vérifier la situation des troupes à l’arrière. Vite ! »

« Compris ! »

Deux de ses gardes furent envoyés en reconnaissance, et pour l’instant, la Première Division arrêta son avancée. Puisqu’ils n’avaient pas rencontré la moindre résistance ennemie, la marche s’était déroulée sans accroc. Pendant ce court intervalle, ils allaient pouvoir laisser les chevaux se reposer, et les soldats manger.

Schera, de son côté, dévora avec passion les provisions qu’elle portait.

Il était déjà midi passé. Avant de capturer Antigua et avant la tombée de la nuit, ils voulaient se mettre en formation de combat afin que l’unité d‘infanterie puisse immédiatement lancer le siège.

Tout à coup, un cavalier solitaire arriva devant Alexei, qui, assit, discutait de l’avancée des troupes avec ses adjudants au dessus d’une carte. Sans même s’offrir une seconde de répit, le cavalier descendit de sa monture et prit bruyamment la parole.

« Général Major Alexei ! Des forces ennemies sont visibles dans la Plaine Alucia, devant nous ! Elles brandissent l’insigne d’Altura, leader de l’Armée Rebelle ! Elle mène plusieurs milliers de soldats d’infanterie ! »

« Quoi !? Cette rebelle est venue jusqu’ici !? »

S’écria Alexei, se levant involontairement de sa chaise. Juste devant ses yeux s’ouvrait la route vers la gloire. Il n’avait pas d’autre choix que d’appréhender Altura. S’il parvenait à obtenir sa tête, il était certain d’être promu. Il était obligé d’y aller. Alexei décida, impatient.

« Votre Excellence, c’est une chance unique. Si nous la tuons ici-même, tout sera résolu. Nous n’aurons peut-être même pas besoin de faire tomber Antigua. »

« Vous récolterez tous les exploits, Général Major Alexei ! »

« Je sais ! Prévenez les cavaliers. Nous lançons immédiatement l’attaque ! »

« Sir ! »

« Nous prendrons la tête d’Altura !! Après ça, nous serons sûrs d’être récompensés !! »

Sous les ordres vigoureux d’Alexei, la Première Division chargea en direction de l’unité d’Altura.

Et comme si elle s’y attendait, l’Armée de Libération battit en retraite sans même croiser le fer.

Une escouade lente fut écrasée par la cavalerie. L’avancée de celle-ci était rapide, un appât juste devant ses yeux.

Alexei n’avait pas remarqué, mais la Première Division et la Seconde Division se séparèrent d’une distance considérable. La Seconde Division, formée d’un mélange d’unités, possédait une chaine de commandement défaillante, et la simple marche était difficile. De plus, il y avait de nombreux déserteurs, et le moral était faible.

 

Puisque l’arrière n’avait pas besoin de participer au combat, l’unité de cavalerie de Schera se situait au milieu des deux divisions. Après tout, personne n’était prêt à laisser la tête d’Altura à une gamine. Considérant qu’il s’agissait de l’occasion parfaite, les cavaliers changèrent de drapeaux. Face au vent, le drapeau d’un corbeau blanc sur fond noir se mit à flotter fièrement.

La région avait adoptée la couleur du soleil couchant. Bientôt, la nuit, périlleuse pour une armée, allait tomber.

« …….Nous ne les poursuivons pas, Major Schera ? »

« Nous sommes obligés de suivre les ordres. Résignons-nous à errer par ici. De plus, nous devons rester sur nos gardes afin de prévenir toute attaque surprise. »

Schera fit signe aux cavaliers près d’elle, et leur demanda de servir de guetteurs.

« Mais si vous prenez la tête d’Altura en plein territoire de l’Armée Rebelle, tout le monde vous reconnaitre enfin ! »

« Je ne suis pas vraiment intéressé par la nourriture remplie de poison. Dans un tel cas, il vaut mieux laisser quelqu’un d’autre la manger. »

Descendant de sa monture, Schera sortit une noix de son sac. Elle s’accroupit, puis en brisa la coquille avec son immense faux. La partie comestible de la noix se brisa elle aussi, alors Schera se mit à placer les petits fragments dans sa bouche.

Vander murmura dans l’oreille de Katarina afin que l’officier supérieur n’entende pas,

« Quand le Major fait ça, on dirait un petit animal. »

« Tais-toi ! »

Au loin, le cavalier envoyé par Alexei plus tôt en tant qu’éclaireur arriva en urgence. La force principale ennemie postée au Grand Pont Sulawesi se dirigeait probablement vers eux.

« O-Où est passé le Général Major Alexei !? »

« Son Excellence est parti vers l’ouest à la poursuite du leader ennemi. Qu’y a-t-il ? Calmez-vous et expliquez-moi ce que vous avez vu. »

Lorsque Schera se leva et demanda ce qu’il en était de la situation, elle reçut une information surprenante.

« La force principale ennemie au Grand Pont Sulawesi était fausse. Ils sont en effet nombreux, mais la moitié est constituée de civils démilitarisés. La force principale de l’Armée Rebelle est autre part ! »

« Allez vite prévenir Son Excellence Alexei. »

« Je le sais très bien ! Dépêchez-vous de rejoindre les autres ! »

L’éclaireur sauta sur son cheval, puis partit au galop en direction de l’unité d’Alexei. Le voyant disparaitre au loin, Schera croisa les bras.

« Hmm, je me demande ce que nous devrions faire. »

« ……La force principale ennemie n’est pas au Grand Pont, ce qui signifie qu’ils ont préféré défendre Antigua ? Non, cela n’aurait aucune valeur stratégique…… Non, nous ne sommes quand même pas encerclés ? »

Vander étala une carte afin d’imaginer la situation. Katarina fit de même, et offrit son avis.

« …..Major. Nous sommes dans une position dangereuse. Les forces d’Altura servent probablement d’appât. »

« Je vois. »

« Si nous agissons sans réfléchir, nous risquons de tomber dans une embuscade. Vite, les éclaireurs— »

Tout à coup, un nouveau cavalier apparut. Lui aussi paraissait extrêmement agité.

« Où est passé Son Excellence le Général Major Alexei !!? J’ai des informations urgentes à lui transmettre !! »

« Son Excellence a avancé afin de poursuivre les forces ennemies ! Que se passe-t-il !? »

« Notre site de traversée de la rivière est attaqué ! L’endroit est complètement assiégé !! »

« —Im-Impossible… »

—Le Château Antigua était le fond du sac. Le site de traversée d’Alucia en était l’entrée.

L’Armée du Royaume était entrée de son propre chef dans ce gigantesque ‘’sac’’, dans cet enfer. Le fait que les forces de l’unité de David au Grand Pont Sulawesi soient une ruse avait été complètement percé à jour par l’ennemi. En soi, le plan n’était pas mauvais, mais une fois découvert, il ne possédait plus aucune substance.

De base, le plan s’accordait très mal avec l’Armée du Royaume, qui avait de nombreux traitres et déserteurs parmi ses rangs. De plus, puisque l’armée avait été réorganisée en mélangeant plusieurs unités, personne ne se doutait que des espions avaient infiltrés les rangs. Toutes les informations échangées avaient atteint l’ennemi.

Les cavaliers de la Première Division avaient ainsi été attirés par Altura. La Seconde Division tentait de passer la rivière, mais en pleine traversée, des ennemis en embuscade avaient attaqué les pontons flottants et exterminé les soldats. Ainsi, la Première Division était séparée de la Troisième Division, le convoi de ravitaillement. Complètement encerclés, la Rivière Alucia dans leur dos et l’Armée de Libération dissimulée devant eux, la Première Division risquait de subir un assaut dévastateur. L’infanterie de la Deuxième Division avait tenté de fuir, mais en vain. De nombreuses personnes étaient tombées dans la rivière et s’étaient noyées. Puisque les soldats portaient des armures, ils ne pouvaient pas nager dans les parties les plus profondes de la rivière.

Le campement devant servir de tête de pont était actuellement un véritable enfer.

« Que devrions-nous faire ? Vander, Katarina, donnez-moi votre avis. »

« S-Sir, nous ne sommes que 1 000. Renforcer le site de traversée serait complètement inutile. Je pense que nous devrions rejoindre le Général Major Alexei, qui est sur le point de tomber dans une embuscade. Actuellement, la Troisième Division étant incapable de nous rejoindre, la capture d’Antigua est un échec. Si nous ne battons pas en retraite… »

Katarina donna son avis, puis Vander le sien.

« De plus, il est fort possible que nous nous fassions attaquer. Nous ne pouvons pas faire grand-chose pour la cavalerie attirée par l’ennemi. »

« Major Schera. Dans tous les cas, nous avons peu de temps. Il nous faut votre décision. »

« D’accord, nous— »

« Major ! Unité de cavalerie ennemie en approche ! Leur nombre est de 1 000 ! »

Un cavalier chargé de la surveillance avait découvert un nuage de poussière formé par la cavalerie ennemie. Schera sauta sur sa monture, puis leva sa large faux dans les airs.

« Nous les interceptons !! Suivez-moi ! Tuez-les, ne laissez pas un seul rebelle en vie !! »

« Ou !! »

Schera et ses troupes se mirent à galoper en direction de la cavalerie ennemie. Le corbeau blanc du drapeau, baigné de la lueur du soleil couchant, était maintenant rouge sang. Les deux adjudants la suivirent, confus par le changement soudain d’attitude de leur officier supérieur. Était-ce vraiment la même personne ? Ils n’en étaient même pas sûrs.

La cavalerie au drapeau noir s’enfonça dan le flanc de la cavalerie brandissant le drapeau de l’Armée de Libération. Schera priva en un instant quatre hommes de leur tête, avant de crier de nouveau ses ordres. En formation de coin, le commandant formant la pointe, l’unité de Schera coupa l’unité ennemie en deux.

« Qu-Qui êtes-vous !? »

« Quelle est cette unité ! L’Armée du Royaume !?? »

« Nous sommes la cavalerie de la Mort. Maintenant dépêchez-vous de mourir ! »

Entrainant ses troupes derrière elle, Schera faucha la cavalerie ennemie en panique. Un cavalier tentant de s’avancer face à elle perdit immédiatement le haut de son corps. Sur son cheval, Schera brandissait sa faux, coupant furieusement chaque ennemi s’approchant d’elle.

Une lance fut coupée en deux, et la tête du soldat la maniant s’envola d’un coup de faux. Un autre homme leva son épée au dessus de sa tête, mais fut coupé en deux verticalement de haut en bas. Le sang et la matière grise se mélangèrent avant de dégouliner comme le jus d’un fruit.

Cette sensation lorsqu’elle avait fendu son crâne en deux— C’était exactement comme la noix mangée plus tôt, et son appétit fut tout à coup stimulé. Dur à l’extérieur, mais mou à l’intérieur. La nourriture était vraiment mystérieuse. D’ailleurs, il restait encore des noix dans son sac.

Schera prit une noix puis, mettant un peu de force dans sa main ensanglantée, la brisa.

La noix se mélangea avec le sang de ses ennemis, formant une sorte de sauce rouge.

Elle essaya de la lécher, et y découvrit un goût de fer. Était-ce bon ? Elle ne le savait pas. Elle décida donc de lécher la noix une seconde fois.

Mais tout à coup, une nuisance apparut. Schera se nettoya la bouche avant de se tourner.

« Tu es le commandant !? Ton armée est en déroute ! Abandonne et rends-toi ! Cela te permettra au moins de sauver ta vie ! »

Un commandant extrêmement hautain s’adressa à Schera.

« Ahahaha ! La seule blague ici, c’est ton visage ! »

« —Cesse donc cette résistance futile !! »

La lance et la faux s’entrechoquèrent. Les chevaux s’arrêtèrent, chaque arme essayant de repousser l’autre. Les mains agrippant ces armes se raidirent, et une expression de surprise apparut sur le visage de l’homme.

« Q-Quelle puissance, qu’est-ce que tu… ! »

« Allons, allons, ma faux s’approche de plus en plus. Si tu ne fais pas attention, tu risques d’être blessé tu sais ? »

« Kuh, a-arrête. Arrête, p-pitié. »

« C’est impossible. Tu fais partie de l’Armée Rebelle après tout. »

—La personne qui dominait le duel d’armes était Schera.

Repoussant la lance, la faux s’enfonça profondément dans le visage du commandant. Schera continua à pousser, et le visage s’enfonça.

« U, guge- »

Le corps du général de l’Armée de Libération fut pris de spasmes témoignant d’une douleur intense. Il était toujours en vie.

« Maintenant ton visage est vraiment devenu une blague. Félicitations. »

 Lorsque Schera sortit lentement sa faux du visage de l’homme, une large quantité de sang s’en échappa. Schera reçut la giclée de plein fouet, devenant rouge vive en un instant.

Sans même daigner lui offrir le coup de grâce, elle poussa le commandant ennemi de sa monture.

Plusieurs secondes plus tard, il allait probablement perdre connaissance et mourir. Ses spasmes étaient semblables aux mouvements d’un poisson hors de l’eau.

Une fois le commandant tué, l’unité ennemie prit la fuite. Ayant réussi à mettre en déroute l’ennemi, les troupes de Schera avaient enfin réussi à calmer un peu de leur tension récente.

 Choquée, Katarina ne pouvait que reconnaitre la puissance de son officier supérieure. La force de Schera, telle qu’elle l’avait imaginée, non, bien supérieure à ce qu’elle avait imaginée, l’avait abasourdie. Sa langue n’arrivait même plus à bouger. Son cerveau d’adjudante refusait de répondre.

« C-C’était splendide Major Schera ! Les dégâts reçus par notre unité sont négligeables. C’est une victoire écrasante ! »

« Bien, nous allons continuer à avancer afin de rejoindre le Général Major Alexei ! Cavaliers, après moi ! »

« Sir ! »

L’unité de Schera se remit à galoper sous la lumière du soir. Le corps de Schera était couvert de sang, et le corbeau gravé sur son armure était maintenant rouge. Du sang dégoulinait sans interruption de sa faux. Juste aujourd’hui, combien de vies avait-elle fauchée ? Elle-même ne le savait pas.

 

L’unité de cavalerie avancée d’Alexei, constituée de 10 000 cavaliers, avait envahi la région autour d’Antigua, attirée par la diversion d’Altura. Son désir de la tuer par quelque moyen que ce soit ne pouvait plus être arrêté.

« Vo-Votre Excellence Général Major, vous ne pensez pas que nous avons bien trop avancé ? Ceux derrière nous— »

« Peu m’importe. Notre cible est Antigua de toute façon. Parvenir à éliminer cette nuisance est bien plus importante. »

« M-Mais… »

Pendant que l’adjudant tentait de résonner son supérieur, le pont-levis du Château Antigua se baissa, et une unité de cavalerie sortit du château.

Il s’agissait de l’unité d’élite de Fynn, brandissant le Drapeau du Lion. Ils avaient conservé leurs forces, attendant l’opportunité parfaite. L’unité d’Altura prétendant être en déroute fusionna avec eux, puis se retourna afin d’aider à la contre-offensive.

« Votre Excellence ! L’ennemi se jette sur nous ! »

« N’ayez pas peur ! L’ennemi est peu nombreux, garder votre calme et contrattaquez ! »

En accordance avec les ordres d’Alexei, la cavalerie attaqua. L’unité de cavalerie ennemie changea de formation, adoptant un coin inversé comme pour envelopper les forces d’Alexei.

Puis tout à coup, un rapport arriva.

« Mauvaise nouvelle Votre Excellence ! Notre plan a été percé à jour ! »

« Quoi !?? »

« L’ennemi a attaqué le site de traversée de la rivière. Le Seconde Division est assiégée !! La Troisième Division est incapable de traverser la rivière !! Nous sommes complètement isolés ! »

« Qu-Que dis-tu !? »

« Nouveaux renforts ennemis ! I-Ils arrivent de la gauche et de la droite !! »

Les deux ailes étendues, la bête s’avançait vers eux tous crocs sortis, prête à les déchirer.

« —C-C’est ridicule. Pourquoi… Que fait la force principale ennemie ici… »

Alexei était abasourdi, et tandis que la surprise l’assaillait, des ennemis en embuscade apparurent à sa gauche et à sa droite et lancèrent l’assaut.

Les soldats ennemis approchaient le quartier général peu défendu. Sous les ordres du Commandant de l’Armée de Libération Behrouz, ces hommes étaient les troupes choisis par ses soins et qu’il était capable de mouvoir comme des propres membres.

Altura aux commandes des troupes, le moral était à son maximum. Personne n’avait peur.

Sous pression à gauche et à droite, l’unité de cavalerie fut obligée de se mettre en formation serrée, tandis que les soldats tombaient un à un.

La mobilité était tout pour la cavalerie. Elle devenait fragile une fois encerclée. Les chevaux de guerre, une fois leur cavalier mort, se mettaient à bouger sans but.

La voix sèche, Alexei tenta de reprendre les commandes, mais la bataille n’était plus entre ses mains. Réorganiser des soldats en paniques était extrêmement difficile, peu importe les compétences du commandant.

Chargeant en ligne droite, la Cavalerie du Lion divisa la cavalerie d’Alexei en s’enfonçant de plus en plus dans ses lignes. L’avant-garde était constituée du Colonel Lieutenant Fynn. Il pointa sa lance droit devant lui et repoussa les gardes d’élite d’Alexei, se rapprochant de plus en plus de ce dernier telle une immense vague.

« Heeeeyy ! Ne soyez pas distraits ! Bande d’idiots, écoutez mes ordres !! Ne laissez pas les soldats ennemis m’approcher, défendez !! »

« Je te vois, Général Major de l’Armée du Royaume, Sir Alexei ! Ta tête est à moi !! »

« S-Silence rebelle ! »

Alexei prit son épée et combattit, mais rapidement, la lance de Fynn s’enfonça droit dans son cœur. Ses ambitions disparurent, tout comme sa vie. Et pour finir, sa tête fut coupée horizontalement. Le champ de bataille érupta de joie, et, à sa limite, la cavalerie du Royaume se dispersa dans toutes les directions.

L’Armée de Libération les poursuivit et parvint à en tuer la moitié. La Première division pouvait être considérée comme annihilée. De nombreux soldats du Royaume et bannières avaient été tragiquement abandonnés.

 

Avançant afin de rejoindre l’unité de cavalerie avancée, Schera et son unité rencontrèrent les cavaliers vaincus du Royaume. Ils écrasèrent plusieurs dizaines de cavaliers de l’Armée de Libération en poursuite, puis Schera demanda quelle était la situation.

« Où est le Général Major Alexei ? Est-il sain et sauf ? »

« ……Son Excellence Alexei est mort au combat. En raison de l’encerclement ennemi, nous sommes tombés dans un état d’anarchie totale, et tout le monde s’est enfui pour sauver sa peau. Je ne sais pas ce qui s’est passé après. »

Murmura un soldat sauvé en essayant de calmer sa respiration. Tous les cavaliers semblaient avoir reçus des blessures, mais ils étaient toujours capables de bouger. Le reste avait été laissé derrière, entre les mains de l’ennemi.

« Je vois, alors il est mort. Vous avez bien fait de survivre. Vous avez vraiment de la chance. Venez, vous devez vous faire soigner. Ce serait dommage que vous mouriez maintenant. —Que quelqu’un vienne les soigner ! »

La Mort caressa doucement l’épaule de l’homme qui se raidit tout à coup. Un soldat s’approcha.

« Sir ! Je m’en occupe. »

Après avoir ordonné le traitement des survivants de l’armée vaincue, Schera fit face à ses adjudants.

« Que faisons-nous ensuite ? Votre avis. »

« ……Le soleil va bientôt se coucher. Nous pouvons avancer de nuit et trouver un endroit où traverser la rivière sans danger. »

« Mais les endroits traversables sont très peu nombreux. Nous devrions patienter et observer. Sinon, tous les endroits vers lesquels nous nous dirigerons seront des points d’embuscades. »

Vander pointa du doigt plusieurs endroits sur sa carte. Vander était un homme pragmatique, et il commençait petit à petit à considérer la capitulation comme inévitable. En vérité, il n’avait presque aucune loyauté pour le Royaume. Mais il ne savait pas à quoi pouvait bien penser sa collègue Katarina ; elle avait une personnalité facile à comprendre, mais quelque chose semblait étrange chez elle.

Il pouvait dire la même chose de la jeune héroïne. Quelque chose ne tournait pas rond.

« A votre avis, qu’est devenu le site de traversée de la rivière ? »

« ……Je ne sais pas. Toutefois, nous ne pouvons pas être trop optimistes, il faut s’attendre au pire. »

« Et s’ils ont déjà traversé le pont, après avoir remarqué que la Général David servait de ruse ? »

« Je ne sais pas, mais je crains qu’ils ne soient actuellement en pleine confrontation. »

Les alliés restants ne pouvaient probablement pas bouger. David avait toujours en tête la stratégie, et n’allait pas traverser le pont. Similairement, aucun renfort n’allait arriver depuis le site de traversée, d’après Katarina qui avait elle aussi donné son avis.

« ……Bien, nous nous dirigerons vers le nord avant de nous reposer un instant. Nous récupérerons les restes de la Première Division, puis battrons en retraite. »

« N-Nord ? Mais c’est le Grand Pont Sulawesi dans cette direction… »

« Et c’est là mon intention. Ce qui compte, c’est rentrer en un seul morceau. Même si nous sommes dans l’incapacité de construire un pont flottant, n’avons-nous pas déjà réussi à sortir de situations bien plus difficiles ? Ce n’est pas ma première fois. Si vous comprenez, alors dépêchons-nous de nous remettre en route. Je suis pressée de manger. »

Schera posa sa faux sur son épaule, puis avança à la tête des troupes. Les corbeaux blancs se mirent à la suivre en silence. Les lances brandies en diagonale, la parade commença. Peut-être ne ressentaient-ils plus la peur— La lumière dans les yeux des cavaliers avait disparue. Ils suivaient simplement les ordres de Schera, leur officier supérieur.

Pas le moindre bruit d’inquiétude ne pouvait être entendu. La formation était précise, et les chevaux avançaient, concentrés sur les ténèbres devant eux.

Vander trouvait ce spectacle effrayant.

Katarina tremblait quant à elle de joie. Elle ne s’était pas trompée. Cette fille était certainement un Dieu de la Mort. Elle était convaincue. Elle nettoya le sang sur ses lunettes et fit avancer sa monture pour se placer aux côtés de Schera.

Elle était soulagée d’être en vie. Tellement soulagée, qu’elle avait envie de le crier.

 

L’unité de Schera campa de nuit dans un lieu difficile à découvrir par l’ennemi, et parvint à récupérer plusieurs cavaliers de la Première Division vaincue. Au total, ils étaient maintenant 2 500, et prévoyaient de se diriger vers Sulawesi. Tous les cavaliers vaincus ayant réussi à survivre étaient d’anciens membres retirés à l’unité de Schera. Ils étaient revenus en ligne droite, directement jusqu’au campement de Schera, comme attirés par la Mort.

Vander était abasourdi, et pouvait sentir un frisson parcourir son échine. Une chose aussi ridicule était tout simplement impossible. Comment les soldats vaincus pouvaient-ils connaitre cet endroit ? C’était totalement inimaginable. Le lieu de campement n’était connu de personne d’autre, et aucun feu de camp susceptible de trahir leur position n’avait été construit. Tous retenaient leur souffle afin de ne pas être repérés par l’ennemi, alors comment ? Pourquoi ? De nombreux doutes parcouraient son esprit.

—Et le plus effrayant, c’était que personne ne trouvait cela étrange. Comme s’il s’agissait d’une évidence, les cavaliers avaient accueillis leurs anciens camarades en souriant. De même pour les cavaliers en fuite, qui semblaient plus soulagés d’être réunis que d’avoir survécu.

Vander n’arrivait pas à comprendre la situation.

Katarina de son côté considérait cela comme une évidence. Ça s’est passé comme ça, c’est donc censé se passer comme ça, avait-elle dit.

—Les bannières de l’unité de Schera se fondaient dans l’obscurité, brandies hautes.

Les soldats les tenaient au dessus de leurs têtes, souriant comme des fous.

Comme s’ils ne ressentaient pas la fatigue, ils continuaient, et continuaient.

Chaque soldat, à l’exception de Vander, levait la tête pour contempler les drapeaux.

Un oiseau rôdant dans l’obscurité, un oiseau macabre gouvernant la vie et la mort. Ces hommes venaient de rentrer à la maison, ce drapeau noir étant leur objectif.

Schera mâchait un morceau de viande séchée en les regardant, puis se mit tout à coup à rire avec malice.

 

Chapitre Précédent                                                                                                                                              Chapitre Suivant

Accueil

Blastaf

1 Comment

  • Merci pour le chapitre.
    PS:L’unité de Schera est flippante à souhait ! Juste comme je les aime !

Laissez votre impression !

Your email address will not be published. Required fields are marked *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

Exit mobile version