Mandarines

Mandarines, un film de guerre, encore… Oui Zaza Urushadze nous parle de guerre dans son film, mais il en parle d’une façon particulière, à la fois belle, intelligente, triste et très forte. Suite à l’avant-première diffusée au cinéma « Le Lincoln » mardi 29 mars, je vous propose cette critique signée Reizak, le Mouton de 404 !

Présentation et Synopsis119785.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxx

Mandarines est un film géorgien réalisé par Zaza Urushadze et qui sortira le 6 avril prochain en France. Il a été élu meilleur film étranger aux Oscars et a reçu le Golden Globe du même nom. Le synopsis est assez simple : pendant la guerre en Abkhazie, opposant les géorgiens et les tchéchènes, deux hommes habitent un village désert. Le plus jeune, Margus, cultive des mandarines, l’autre, Ivo, s’occupe de fabriquer des caisses pour transporter les agrumes. Ensemble, ils tentent de sauver l’énorme récolte de mandarines qui occupe le verger de Margus. Un jour, suite à un échange de tir entre une camionnette géorgienne et un pick-up tchéchène, Ivo recueille et soigne un blessé de chaque camp. Les deux ennemis devront vivre sous le même toit.

Parlons architecture…

Ce film est extrêmement intéressant sur beaucoup de points et on va commencer par l’architecure scénaristique : il fusiln’y a aucun raté, tout est parfaitement minuté : la mise en place du décor est précise et rapide sans être précipitée, le panel de personnage, assez réduit, est très bien introduit, tout comme les enjeux que l’on pourra comprendre après 20 petite minutes de film. Le film se termine assez rapidement sans que ça soit non plus trop brusque.

Il faut dire ce qui est, ce n’est pas une œuvre très joyeuse. Pourtant, on aura tout au long du film, jusque dans ses dernières minutes, quelques notes d’humour qui allège le tout. Encore une fois, cette facette du film est extrêmement bien gérée : elle procure un sentiment de soulagement en faisant apparaitre des sourires sur le visage des spectateurs –parfois même des éclats de rire-, mais elle n’éclipse en aucun cas le but profond du film.

explosion

Le but du film, venons-en : quel message veut-il faire passer ? On parle ici de la guerre territoriale d’Abkhazie, mais on comprend très vite que le message est universel et il est très connu : la guerre c’est mal, ça n’a aucun sens, personne n’a le droit de prendre la vie d’autrui, etc. Beaucoup d’œuvres tentent de faire passer ce message, beaucoup y arrive, et Mandarines fait sans aucun doute parti des meilleurs. Plusieurs méthodes seront utilisées pour faire ressentir au spectateur toute l’ampleur et l’importance du problème sous plusieurs angles.

La Guerre des Agrumes

« C’est le nom qu’ils donnent à la guerre », ça semble innocent n’est-ce pas ? Absurde même ! Tout comme la question que tout le monde se pose : Pourquoi risque sa vie pour des mandarines ? Cette absurdité, elle vousmargus frappe avant même de rentrer dans le cinéma, dès que vous voyez le nom du film. Pourtant elle est assumée car elle fait partit intégrante de l’essence du message du film.

Bien que la récolte de ses fruits soit importante pour Margus, on ne peut le nier : risquer chaque jour sa vie pour un verger de mandarines situé en pleine zone de guerre, c’est complètement fou ! L’absurdité de la situation, rappel le message –absurdité de la guerre- pendant tout le film. Bien que le procédé soit assez classique, c’est une des grandes forces de ce film car c’est extrêmement bien fait.

Plus qu’avec la guerre, le problème sera mis en parallèle avec les idéaux des soldats qui ne cesseront de s’envoyer à la figure. L’un revendiquant le territoire comme géorgien, l’autre clamant la légitimité de l’Abkhazie tout en affirmant que ses ennemis ne savent pas se battre, ce à quoi répond le premier que les tchéchènes n’ont aucune éducations… Querelle de gout, de morale… bref, que de futilité fasse à l’énormité qu’est la mort de tant d’hommes.

ivoLa trinité musicale

« Bof, c’est sympa, mais y’a pas grand-chose à dire de cette BO ». C’est ce que je me suis dit depuis le milieu du film jusqu’au générique. Mais c’est précisément là que tout prend forme, et c’est là que c’est génial. A mon sens, la bande originale de ce film est l’un des meilleurs éléments du film, si ce n’est LE meilleur. Mais avançons pas à pas. Tout au long du film, on entendra régulièrement une mélodie, très simple, jouée avec un instrument à corde (que je suis incapable d’identifier, désolé). La première fois, on la trouve agréable, elle accompagne bien ces trois hommes qui progressent à travers un village désert. La deuxième fois, on la remarquera à peine. Puis après la troisième, la quatrième fois, on comprendra que c’est bien l’hymne de l’œuvre, sans pourtant percevoir sa réelle signification.

Vers le milieu du film, la radio du vieil homme diffusera un air aux tonalités tchéchènes que Nika ne supportera pas. Au milieu de toutes les chamailleries puériles des deux soldats, cette scène passe inaperçue. C’est une fois rendu à la fin du film que l’on comprend.

Mais n’allons pas trop vite. A partir de la première fois ou le géorgien s’assoit, jusqu’à seulement quelque minutes avant sa mort (dont on reparlera plus loin), on le voit réparer sans cesse une cassette audio qu’il avait dans ses ahmedaffaires. Cette même cassette sera écoutée par Ahmed alors qu’il quittera le village dans le même pick-up avec lequel il est arrivé au début du film. C’est une très belle musique géorgienne qui est diffusée pendant ce générique, donnant un sens à toute la bande originale du film.

La première mélodie représente par son omniprésence les deux estoniens, le village, la neutralité et le message de paix qu’ils essaient de transmettre aux deux soldats. Le fait qu’elle passe après le bombardement de la maison de Margus, ou encore la mort de celui-ci et de Nika, rappelle que dans la vie comme dans la mort, les hommes sont tous fait de chair et de sang, que chaque vie a autant de valeur.

La musique qu’Ahmed apprécie à la radio représente le conflit entre les deux hommes. C’est lui qui a provoqué en premier les hostilités en promettant de le tuer dans son sommeil ou en le menaçant. Même si le géorgien répondra rapidement, on appose rapidement sur le tchéchène une étiquette d’homme violent, agressif. Lorsqu’il écoute la radio, il apprécie la musique certes, mais s’il refuse de changer de station c’est principalement pour provoquer Nika. On est donc bien dans une situation de provocation.

Enfin, l’air géorgien qui est diffusé pendant le générique représente la réconciliation entre les deux hommes. Il est beaucoup plus doux que l’air tchéchène. Elle sonne comme une amitié naissante entre les deux ennemis. Avant de mourir, Nika a pris d’énormes risques pour sauver Ahmed. Il aurait pu tout simplement le laisser se f
aire tuer, mais il refuse et tire sur les agresseurs du tchéchène. Ils finissent par se battre ensemble pour protéger Margus –en vain- et Ivo. Ahmed ira même jusqu’à creuser la tombe du géorgien alors qu’il a proposé de laisser pourrir les nika 2cadavres de ceux qu’il a tué au début de film. Tout ceci montre bien qu’Ivo a réussi à leur faire comprendre la valeur de la vie.

On pourra également noté que Nika est occupé tout au long du film par la réparation de sa cassette. Cette réparation représente la haine mutuelle des deux hommes qui s’efface. Durant tout le film, on se demande à chaque fois qu’on la voit ce qu’elle peut contenir. Pourtant après le choc de la mort des deux hommes, on l’a presque oublié. Le fait qu’Ahmed la sorte de ses affaires quelques secondes avant la fin du film signifie qu’il n’a pas oublié cette réparation : alors qu’il pourrait haïr le monde d’avoir pris ces deux vies et repartir à la guerre pour déchainer sa rage, il va plutôt rentrer pour voir sa famille et simplement se souvenir de son ami géorgien.

Oui papa…

Après l’échange de tir, Ivo emmène Ahmed chez lui, un mercenairepapa2tchéchène qui a perdu son ami d’enfance dans la bagarre. Il le soigne, puis repars enterrer les autres avec l’aide de Margus. Alors qu’ils sont tous placé au fond de la tombe, l’un des géorgiens remue : il n’est pas mort. Ivo le ramène également chez lui. Quand Ahmed le voit, il promet de le tuer dès que possible. De plus, Nika, le géorgien promettra la même chose quand il reprendra conscience. C’est là qu’est l’enjeu principal du film : comment Ivo les en empêchera.

Le viel homme utilisera la parole d’honneur des hommes qui promettront de ne pas s’entre-tuer sous son toit, par respect pour celui qui les a sauvé. A partir de là, Ivo prend une place paternel face aux deux combattants qui ne cessent de se provoquer, de se chamailler, réellement comme des gamins. Bien sûr, cet aspect est renforcé par la grande différence d’âge qu’ils ont avec Ivo, mais pas seulement. A plusieurs reprises, on aura vraiment l’impression d’entendre parler un père à ses enfants, comme s’il leur disait de finir leur soupe, de ne pas bouder… Cette mise en scène sera perturbée par quelques moments de tension qui rappelleront qu’on a affaire à deux hommes qui ont papapromis de s’ôter la vie. Enfin, on apprendra quelques minutes avant le générique que la raison qui pousse Ivo à ne pas quitter le village est en fait la tombe de son fils, mort au début de la guerre. Il aura en fait vu Ahmed et Nika comme ses propres fils pendant tout le temps qu’à durer leurs séjours chez lui.

Conclusion

Mandarines, que dire de ce film à part qu’il faut absolument le voir ? Il traite d’un sujet très dur, il vous remuera, mais vous en sortirez avec une très bonne impression. Vous découvrirez des acteurs que vous n’avez jamais vu, une très belle langue que l’on entend que rarement au cinéma (à part dans la bouche des méchants communistes malheureusement). De plus, le fait qu’il ne s’agisse pas d’une grosse production américaine apporte beaucoup. L’oscar du meilleur film étranger n’est pas distribué à la légère, il est là pour rappeler que le monde entier produit de très bon film. J’espère sincèrement que ce film recevra l’accueil qu’il mérite lors de sa sortie française.

Reizak

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